Edito Octobre : « Merci John-Henry Newman : ‘Vraie boussole’ de notre présent ecclésial »

5 octobre 2025

Par le père Paco Esplugues, curé

Bulletin paroissiale du mois d’octobre : BP13-Vedène

L’annonce de la proclamation de John Henry Newman, précurseur de Vatican II, comme docteur de l’Église (Pape Léon XIV) a ravivé les discussions entre catholiques « conservateurs » et « progressistes », qui tentent de revendiquer sa figure, prétendant que son œuvre soutient leurs positions théologiques et ecclésiales. Mais pour connaître la pensée de Newman, il convient de lire son œuvre abondante. Homme au tempérament artistique et aussi ardent chercheur de vérité, cette quête l’éloigna progressivement de l’église anglicane, corrompue par le libéralisme. Sa conversion, cependant, ne fut pas fulgurante, à la manière de celle de saint Paul, mais le fruit d’ardues réflexions, dont il rendra compte dans un curieux roman autobiographique à l’ambiance oxfordien, Perte et gain (1848), conçu à la manière d’un dialogue platonicien, ainsi que dans ses célèbres confessions – au sens augustinien du terme – Apologia pro vita sua (1864).

Dans Perte et gain, Newman décrit les vicissitudes intellectuelles et spirituelles d’un jeune homme qui décide de remettre en question les délicates concessions dans lesquelles s’était installé à l’époque l’anglicanisme progressiste (semblable à un certain catholicisme actuel « adapté aux temps ») ; ainsi qu’au climat pompeux d’un certain traditionalisme fondé souvent sur de discutables traditions et sur l’exaltation ostentatoire d’un esthétisme liturgique et vestimentaire. Newman nous enseigne qu’il n’y a qu’une seule chose plus dégradante encore que l’absence de tradition, c’est la création de pseudo-traditions fondées sur l’élitisme et la conscience orgueilleuse d’avoir les vrais rites et le vrai sacré ! Son éclairage devient éclatant dans L’Antichrist, ouvrage qui rassemble les quatre sermons sur l’Antichrist prêchés par Newman pendant l’Avent 1835.

Voici quelques lignes lumineuses :

« S’il est vrai que l’ennemi du Christ et de son Église se manifestera dans un extraordinaire éloignement de Dieu, n’y a-t-il pas lieu de craindre qu’en ces jours-mêmes une telle apostasie ne soit en train de se préparer, de prendre forme, de s’accélérer ? N’est-il pas vrai qu’en ce temps même se manifeste un formidable effort, pratiquement dans le monde entier pour « repenser la religion » ? [...] par exemple la volonté d’organiser l’éducation en mettant sur le même plan toutes les formes de religion ? La volonté de faire de l’utilité, et non de la vérité, la finalité et le critère des décisions sur la structure ecclésiale par des lois administratives discutables ? la volonté de fonder sur la quantité et non sur la vérité le motif de garder ou de rejeter tel article de foi ou de morale, comme si l’Écriture nous donnait une raison quelconque de croire que la majorité soit dans le vrai et le petit nombre dans le faux ? En ces jours mêmes, indéniablement, une adaptation au mal se constitue, et il se prépare une armée aux quatre coins du monde qui encercle l’Église du Christ comme dans un filet, ouvrant la voie à un universel abandon de la foi. »

Il voyait cela dans l’Eglise anglicane et il le dénonçait dans les Tracks du Mouvement d’Oxford (cf. Track 90). Suivant ces réflexions il est passé à l’Eglise catholique. La force de ce Mouvement tout comme la sainteté de Newman, c’est l’union indissociable entre renouveau spirituel et renouveau intellectuel. Je crois que c’est le grand enjeu de notre Eglise Catholique dans les temps qui courent, elle-même traversée aujourd’hui par les mêmes sentiers tortueux qu’il a trouvé dans son Eglise le siècle dernier !