Edito Mai : « Pâques en Conclave : Tous vocation de pape ? »

7 mai 2025

par le P. Paco Esplugues

Pâques, le temps plus important de l’année liturgique, nous le célébrons en ayant comme toile de fond le conclave. Nous apprivoisons la Résurrection du Seigneur tout en demandant au Seigneur un successeur de Pierre qui soit la garantie de la foi et de la communion de toute l’Eglise. Quelqu’un qui comme Pierre au bord du lac sache reconnaitre comment le Seigneur ressuscité est présent et actif, non seulement quand tout va bien, mais aussi quand ils ont passé des journées dans le « noir » (guerres, violences, abus, tensions), sans rien pêcher ! Jn21. Justement après que Pierre ait fait confiance au Christ et « jeté les filets en son nom », le Ressuscité l’a reconfirmé comme Pape ; de même il le fera ces jours-ci à son successeur comme Pasteur de l’Eglise Universelle. « M’aimes-tu plus que ceux-ci ? Pais mes brebis ! ». 

Le sens global de cette concomitance d’événements nous échappe. Nous passons 50 jours en apprenant à « ouvrir la rétine au cœur de la nuit » (Samedi Saint) pour découvrir progressivement la façon dont le Ressuscité, qui est devenu une seule et indivisible personne avec chacun de nous, nous habite, nous encourage, rajeunisse nos forces, et nous détermine à faire de chacun de nous des témoins, vivant de sa présence (« Comme le Père m’a envoyé, moi Je vous envoie ». Non tant comme s’il n’y avait pas des problèmes, mais parce que nous les vivons avec Lui ! Accueillons en ce temps de Pâques toute la grâce que l’Esprit Saint nous a réservée. Dieu ne veut pas nous donner une grâce intermittente, il nous la donne pour pouvoir nous établir dans la vraie vie ! Mon attention est attirée cette année sur le fait que ce n’est pas plus à Pierre qu’aux autres ! Ne sera-t-elle pas une orientation de cette Paque en conclave ?

Les apôtres Pierre et Jean sont allés au tombeau et ils n’ont rien vu du Seigneur. Ils n’ont vu que des signes... ; seulement Jean en voyant les signes, dit le texte, « il a vu et il a cru ». Pierre, non ! Le matin de la pêche, tous ont vu l’abondance de poissons, mais seul Jean a reconnu « c’est le Seigneur ! » (Pierre ne l’apprend que par la reconnaissance de Jean !). Au tombeau Pierre et Jean sont partis vite ; Marie-Madeleine en voyant des traces est restée. Le délai prépare le cœur à la rencontre. Et en pleurant et en la désirant dans son cœur, elle a fait la première rencontre du Ressuscité. Mieux, elle a été rencontrée par Lui. La vérité n’est-elle pas que le Seigneur, dans l’obscurité de notre monde et de notre Eglise, veut préparer nos cœurs à la rencontre ressuscitante. Même si le pape ne l’a pas encore rencontré ? Ne serait-ce pas un appel à vivre avec toutes nos forces, unis au Ressuscité ; comme Catherine de Sienne, comme la Madeleine, plus éveillées que leurs papes, à le rencontrer, et qui ainsi, ont pu les aider pleinement dans leur mission ?

Le concile Vatican II proposait un approfondissement de l’évangile qui, comme fruit de l’eucharistie, fasse vivre les chrétiens comme des témoins de la vérité (GS 93). Le dernier paragraphe du Concile nous proposait, par notre union au Ressuscité, de reconnaître et aimer le Christ en tout homme. Ce temps de Pâques en conclave n’est-il-pas un temps privilégié pour préparer nos rétines à reconnaître et aimer le Christ en tout homme ? En mettant la main dans ses blessures comme notre saint patron Thomas ? Ou comme Thérèse de l’Enfant Jésus, qui, dans sa maladie, montait chacune des marches de son couvent, profondément affectée par la tuberculose, en offrant sa douleur pour donner du sang aux membres qui en avaient plus besoin dans les missions les plus difficiles dans le Corps du Christ ? N’est-ce pas là, un mode de vie au service de tout le Corps, si effectif ou plus que peut le vivre le Pape ? Thomas et Thérèse de l’Enfant Jésus nous rappellent qu’être responsables des blessures du Corps du Christ, c’est réaliser notre vocation de « Pape » (un pour tous) !

Le bruit médiatique des jours de conclave, vécu en temps de Pâques, nous a mis en expectation, bien sûr pour connaitre qui sera choisi mais aussi pour prier pour lui et pour l’Eglise. Pourtant le mode d’action du Ressuscité semble nous ramener à l’essentiel de la foi. Notre conclave essentiel se joue peut- être plus dans le silence de l’attente et dans l’implication avec les blessures du Corps du Christ.